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Comment ton médecin est-il réellement formé à l’allaitement maternel ?

par Fanny
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Lise m’écris hier désespérée,

Hier elle a vu son pédiatre pour la première visite de son fils Noah, 3 semaines.

Elle l’allaite exclusivement, Noah tète efficacement et avec gourmandise. Il est à 12 tétées par jour et c’est un bébé assez actif. Il n’est pas bien gros mais il est dans la moyenne pour un bébé allaité (selon la courbe de l’OMS spécifique aux bébés allaités). Côté élimination, Noah fait bien pipi, et fait 3 belles selles par jour minimum.

 

Oui mais voilà, pour le pédiatre, Noah n’est pas assez gros. Le pédiatre se réfère à la courbe du carnet de santé comme beaucoup de médecins. Situation classique, le pédiatre évoque avec Lisa la nécessité d’introduire des compléments de lait artificiel. Lisa est très déçue, se sent coupable et a complètement perdu confiance en elle… Elle commence à douter de la qualité de son lait, des quantités qu’elle est capable de produire pour son fils… Autant te dire que c’est pas la joie alors que tout allait pour le mieux avant cette visite.

 

Je pourrais t’en raconter plein des histoires comme celle-là et pas que sur le thème du poids!

J’en ai plein en tête!

Mais si je te parle de Lisa c’est surtout pour illustrer la question que je me suis un jour posée, et peut être que toi aussi tu te poses.

Mais comment un pédiatre peut-il être si mal informé sur l’évaluation d’une conduite d’allaitement?

C’est un médecin après tout! Et spécialisé qui plus est!

Et malheureusement cela ne concerne pas que des pédiatres, mais aussi certaines sage-femmes ou médecins généralistes.

Pas tous, heureusement, mais beaucoup quand même…

Alors j’ai eu envie de me pencher sur leur formation respective en matière d’allaitement maternel et accroche toi, c’est pas joli joli!

Je te laisse découvrir par toi même ….

Apport théorique: Le « minimum syndical »

Il faut déjà comprendre comment fonctionnent les études médicales:

Pour faire simple, les 6 premières années sont communes à tous les étudiants.

A la fin de cette première partie de cursus, il y a un concours national appelé ECN (Epreuves Classantes Nationales) qui détermine selon le classement obtenu, la spécialité du futur médecin.

Pour préparer ce concours, les étudiants révisent des centaines et des centaines de sujets portant sur 362 items au total, toutes les spécialités confondues.

Chaque spécialité est traitée par un collège national chargé de fournir les apports théoriques nécessaires. Parmi ces spécialités on retrouve notamment la Pédiatrie, la Nutrition et la Gynécologie et Obstétrique.

Sur les 362 items, seuls 2 sont dédiés à l’allaitement maternel:

« Item allaitement maternel: Expliquer les modalités et argumenter les spécificités de l’allaitement maternel. Préciser les complications éventuelles et leur prévention

Item alimentation et besoins nutritionnels du nourrisson et de l’enfant: Expliquer les besoins nutritionnels du nourrisson et de l’enfant. »

Dans les cours on apprend vite fait aux étudiants:

  • La physiologie de la lactation et la composition du lait maternel
  • Les bénéfices de l’allaitement maternel mais en vrai, on ne parle que de sa composition adaptée et son effet protecteur sur un plan immunologique. On ne parle pas de tous les autres bénéfices.
  • Des conseils de base pour bien démarrer un allaitement ( tétée précoce et allaitement à la demande ). Tu vas aller loin avec ça c’est sur !

Finalement ce dont on parle le plus dans ces cours, ce sont les complications possibles de l’allaitement.

Et quel message ça véhicule dans l’esprit des étudiants! L’allaitement serait surtout une succession de problèmes à résoudre… Super!

C’est sur qu’avec une tétée précoce et un allaitement à la demande on n’est pas très armées et à coup sur, les complications seront au rendez-vous donc mieux vaut aider les médecins à les résoudre.

« Euh on prendrait pas le problème à l’envers ? »

« Parce que si les conseils de bonne mise en route étaient mieux développés, peut être que les complications seraient moins au rendez-vous ?!? Non ?? »

Et si t’as pas eu de bol et que ton médecin a préféré zapper cet item là pour l’examen … il ne saura tellement pas t’aider qu’il te dira d’arrêter parce que de tout façon « il est grand temps ! » et « tu seras moins fatiguée » et « il dormira ou grossira mieux » …. Je continue ?

Quand on sait que pour la préparation du concours national, le collège de nutrition, n’écrit que 3 pauvres malheureuses lignes:

« De 0 à 5 mois (!!!😱 ) , le lait est l’aliment essentiel et unique du bébé. Il suffit à couvrir ses besoins. Comme tout mammifère l’enfant a besoin de lait, de préférence du lait de sa mère. L’allaitement au sein est l’idéal, c’est la référence qui apporte tout ce dont l’enfant a besoin sur le plan nutritionnel. C’est en plus un élément de protection qui renforce le lien mère-enfant. »

Donc après 5 mois c’est bon mon lait c’est du pipi de chat ? Et si j’ai un problème avant ça j’aurais juste droit à ce joli discours pour bien me culpabiliser sans me donner de solution sinon que celle d’arrêter ou de souffrir en silence?

 

Pour le CN de Pédiatrie, heureusement on peut continuer après 6 mois ! OUF ! Y’a du progrès!

Mais bon, si tu veux, entre 4 et 6 mois, tu peux déjà commencer à diversifier et ne donner que 2 tétées par jour (!!!😱 ) 

Va vraiment falloir rapprocher le défibrillateur de mon petit cœur parce qu’il est en train de tressaillir !

J’interprète ça comme ça, tu me diras ce que t’en penses:

 

« Le lait maternel c’est bon pour la santé jusque que six mois mais bon… Si t’es pas sure de ton coup, au cas où tu peux lui donner autre chose hein ! ». Vive la confiance!

Et puis, « deux tétées par jour tout le monde sait que ça suffit à maintenir une lactation suffisante pour nourrir un enfant de moins de 6 mois !!! »

Si t’as pas saisi l’ironie ou si t’as pas encore de bébé, je te le dis tout net, je te défie de ne faire boire que deux fois du lait par jour à un bébé de cet âge! Au sein ou pas d’ailleurs! Et stimuler deux fois les seins par jour, tu peux dire au revoir à ton lait très vite surtout avant 6 mois!

 

Ensuite après 1 an là, le lait maternel n’existe plus, ils ne parlent que du lait infantile ( préparations pour nourrisson )

Ben oui il faut bien pouvoir détailler tout le panel des laits en poudres disponibles sur le marché sinon les industriels vont se fâcher !

OK, c’est important aussi mais tu ne trouves pas que niveau volume d’information, il y a un léger parti pris?

C’est sur que c’est plus facile de détailler des étiquettes sur la boîte que de se pencher sur la biologie du lait maternel!

Je te l’accorde.

 

Au total, le volume horaire d’enseignement dédié à l’allaitement maternel pour les médecins, pédiatres et gynécologues obstétriciens c’est:

=>  1 à 4 heures de cours en commun sur les  6 premières années

A cela s’ajoute:


Pour les médecins généralistes: 2 heures supplémentaires en moyenne


Pour les pédiatres: 1 ou 2 heures en moyenne

(+ Une journée pédagogique sur la nutrition de l’enfant en partie organisée par qui?***  Oh ben ça alors!! Les industriels du lait! *** Pas du tout orientée la journée puisqu’on y parle à peu près une année sur trois de l’allaitement maternel.


Pour les gynécologues obstétriciens c’est simple : l’allaitement maternel ne fait pas partie du programme. Il est juste mentionné dans la partie « accouchement physiologique. »


Les meilleures élèves sont quand même les sages-femmes dont le contenu théorique est de 20h et selon les écoles, cela peut aller jusqu’à 46h. On est encore loin des 150h proposées par les formations spécialisées mais on s’y rapproche quand même. Enfin cela concerne bien sûr la formation actuelle des sage-femmes. Je ne connais pas le contenu des anciennes formations.

J’ai quand même fait un petit sondages auprès des femmes de ma communauté. Je leur ai demandé qui les avait le plus aidé pendant leurs galères d’allaitement aucune ne m’a parlé de son pédiatre ou de son médecin mais plusieurs ont évoqué le soutien de leur sage-femme ou d’une spécialiste de l’allaitement maternel.

Et le temps d’apprentissage sur le terrain me diras-tu ?

Expérience de terrain… ? ça dépend !

Il existe bien, mais varie tellement selon la formation, la spécialité et le secteur d’activité!

Tout dépend de l’endroit ou l’étudiant va devoir faire ses preuves et par qui il sera encadré. Si son tuteur de stage est au taquet sur l’allaitement maternel et qu’il sensibilise naturellement ses disciples c’est top, mais sinon… c’est bof bof.

Je peux aussi vous dire que quand on est étudiant en stage à l’hôpital, ce n’est pas facile de convaincre la personne qui nous encadre que l’on mérite d’être utilisé pour autre chose que pour remplir docilement une feuilles de relevés de paramètres ou un dossier médical. Il faut faire ses preuves et il faut que l’encadrant ait les moyens de nous encadrer correctement. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Et je sais ce que je raconte car j’ai vécu la chose des deux côtés de la barrière. J’adorais encadrer et transmettre aux étudiants mais j’étais moi-même embourbée dans le rouleau compresseur « temps » de l’hôpital. Les soins et les patients avant tout, on enchaîne les soins, on voit défiler les numéros de chambres, les dossiers… et les pauvres étudiants ramassent les miettes. C’est navrant, mais c’est une réalité de terrain.

Nous connaissons les difficiles conditions de travail dans les hôpitaux et les maternités.

L’accompagnement à l’allaitement maternel?  Les sage-femmes le font très peu, elles sont débordées. Heureusement que les puéricultrices et les auxiliaires de puéricultures sont aussi formées pour accompagner les mamans et compléter le soutien. Mais ne crions pas victoire car on sait très bien que le temps disponible par patiente est de plus en plus réduit. Et là je ne parle même pas de la sensibilité individuelle des professionnels pour le sujet… Ni des compétences individuelles.

Même si de nombreux efforts ont été faits pour améliorer la formation des médecins en allaitement maternel (Avant on n’en parlait pas du tout), c’est à mon sens encore trop peu.

Les choses bougent mais c’est comme pour beaucoup de choses en France … C’EST LENT !

Etre compétent en matière d’allaitement maternel demande aux professionnels de santé un investissement personnel et une formation continue volontaire que tous ne font pas.

Ceci explique qu’encore aujourd’hui il y ait tant de disparités et de lacunes dans les parcours de formations médicales.

Formation continue…? Qui veut bien !

Comme je te l’ai dit plus haut, la formation continue chez les médecins et professionnels de santé est certes obligatoire, mais on y met ce que l’on veut.

Pour améliorer ses connaissances et compétences en matières d’allaitement maternel il faut que le professionnel fasse lui même la démarche de s’inscrire à une formation spécifique.

Si tu savais le nombre de formations continues disponibles pour les professions médicales! C’est à s’étourdir !

Probabilité pour que le professionnel choisisse cette formation plutôt qu’une autre? Il faut vraiment qu’il le veuille. De plus, la plupart des formations sur l’allaitement maternel se font en présentiel. Il en existe très peu à distance. La plupart se concentrent sur la région parisienne malheureusement. Pour le reste, les places sont chères (au propre comme au figuré !)

En somme, 

Tes professionnels de santé habituels ont une formation de base sur l’allaitement maternel plus ou moins fournie, et surtout une expérience variable.

Ils ont aussi leur histoire personnelle et des convictions personnelles qui influent sur leur prise en charge. C’est naturel et inévitable. Combien de femmes ont été découragées par leur médecin, pédiatre ou sage-femme. Beaucoup malheureusement.

Les formations médicales et paramédicales, toutes confondues (pédiatre, médecin généraliste, sage-femme, puéricultrice ou autre) constituent un socle pour les compétences du professionnel amené à t’accompagner. Cependant, elles sont loin d’être exhaustives et ne peuvent être complétées que par une formation complémentaire spécialisée à l’initiative du professionnel lui-même.

Autrement dit, tous les professionnels ne se valent pas en matière d’accompagnement à l’allaitement. On entend encore beaucoup d’informations inadaptées délivrées par des médecins, ou d’autres soignants… Même dans les maternités ! C’est dire !

Si ton (ta) professionnel(le) de santé habituel(le) a fait la démarche de se former spécifiquement à l’allaitement maternel, c’est une super nouvelle et tu auras surement la chance de pouvoir poursuivre ton suivi sereinement grâce à lui (elle).

Dans le cas contraire, il faudra envisager la recherche d’un professionnel formé, une conseillère spécialisée en allaitement maternel ou une consultante en lactation pour t’assurer de mettre toutes les chances de ton côté.

Je t’encourage à faire tes propre recherches à ce sujet, car c’est en étant proactive que tu pourras réussir ton allaitement maternel et être accompagnée au mieux.

Bonnes recherches et à très vite

Fanny

Quelques sources: 

https://www.agencedpc.fr/

https://www.has-sante.fr/jcms/c_646948/fr/epreuves-classantes-nationales-ecn-mode-d-emploi

http://docteurmamangue.com/la-formation-des-medecins-francais-a-lallaitement-maternel/

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